• CITATION

    Les vraies richesses

    « Vous m’aviez paru être trop confiants dans votre science. Vous n’aviez pas l’air de savoir que les temps modernes n’ont pas seulement résolu le problème de la désintégration  de l’atome, mais qu’ils ont effectué la désintégration des esprits, libérant sans raison des forces spirituelles qui nous étaient nécessaires pour vivre une vie humaine. Les spéculations purement intellectuelles dépouillent l’univers de son manteau sacré. Le monde portait les hommes quand il était revêtu de son inextricable forêt. Alors, générateurs de sources et d’ombres, ses halliers encombraient les chemins ; la paix et la joie marchaient à notre pas ; l’esprit a fait du monde ce désert nu, couvert de dunes de sable penchées de même pente l’une sur l’autre, jusque par-delà les quatre horizons. Avant de vous donner ma vraie réponse, je voulais vous faire comprendre que les hommes ne peuvent pas se passer d’habitations magiques. »

    Jean Giono : Les vraies richesses ; 1937

    Photographie : www.jessicabuczek.com

  • ESSAI

    Les Vraies Richesses

    « Le plus important dans la vie ne serait-il pas de vivre sa vie selon le sens le plus élevé qu’on a de la vérité, de ce qui est bon et juste ?

    […]

    Car en fin de compte le choix est de vivre la vie qui vous donne le plus de satisfaction profonde, le plus de joie, ou de subir les diktats d’une société qui ne sait plus du tout où elle va, mais y va de plus en plus rapidement.

    Nous vivons dans un monde où le roi _ la consommation érigée en finalité _ est désespérément nu. Si vous prenez le risque (modeste) de le crier, vous serez peut-être étonné du nombre de personnes qui se mettent à crier avec vous !

    Certes, vivre autrement, vivre plus simplement peut représenter, selon le milieu social auquel vous appartenez, un certain risque. Mais ne rien risquer, nous l’avons vu, peut constituer un risque infiniment plus grand, celui de ne jamais être soi-même, de rester prisonnier de normes auxquelles nous n’adhérons qu’à moitié _ et encore. Alors ne vaut-il pas la peine de prendre consciemment le risque auquel on croît, plutôt qu’accepter d’étouffer à petit feu parce que nous avons mis notre conscience sur pilote automatiques ? »

    Pierre Pradervand : Découvrir les vraies richesses

    Photo : www.jessicabuczek.com

  • ESSAI

    Cette vaine machine.

    « Tout roule ici dans une loi implacable de machine. Et les trains incessants alimentent les foyers. La vie brûle tout le temps dans le corps des habitants de la ville, non plus pour la joie de la flamme mais pour l’utilisation de la flamme. La vie de chacun doit produire, la vie de chacun n’a plus son propriétaire régulier, mais appartient à quelqu’un d’autre, qui appartient à la ville. Une chaîne sans fin d’esclavage où ce qui se produit se détruit sans créer ni joie ni liberté. Alors, à quoi bon ? Mais je suis seul à parler dans la rue et personne ne m’entend. Personne ne peut m’entendre car les hommes et les femmes qui habitent cette ville sont devenus le corps même de cette ville et ils n’ont plus de corps animal et divin. Ils sont devenus les boulons, les rivets, les tôles, les bielles, les rouages, les coussinets, les volants, les courroies, les freins, les axes, les pistons, les cylindres de cette vaine machine qui tourne à vide sous Sirius, Aldébaran, Bételgueuse et Cassiopée. »

    Jean Giono : Les vraies richesses, 1937
    Photographie : Jessica Buczek – www.jessicabuczek.com