• Extrait

    Rondeur des Jours

    « Il peut y avoir toute une forêt dans un aboiement de renard. Je chante le balancement des arbres ; le grondement des sapins, dans les couloirs de la montagne ; les vastes plaines couvertes de forêts et qui, en haut de la colline, ressemblent à la mer, mais qui s’ouvrent quand on descend avec leurs étranges chemins d’or vert, leur silence, la fuite des belettes, l’enlacement des lierres autour des chênes, l’amour qui lance les oiseaux à travers les feuilles comme des palets multicolores ; les plages de sable où les chevaux sauvages galopent dans un éclaboussement de poussière et d’eau, la pluie qui pousse sur les pays, l’ombre des nuages, les migrations d’oiseaux, les canards qui s’abattent sur les marais, les hirondelles qui tournent au-dessus du village, puis tombent comme de la grêle, et les voilà dans les écuries à voler sous le ventre des chevaux ; les flottes de poissons qui descendent les rivières et les fleuves, la respiration de la mer, la nuit tout ensemencée d’étoiles et qui veut cent milliards de siècles pour germer.

    Je chante le rythme mouvant et le désordre. »

    Jean Giono : Rondeur des Jours ; 1943

    Photographie : www.jessicabuczek.com

  • POÉSIE

    The Summer Day

    Qui fit le monde ?

    Qui fit le cygne et l’ours noir ?

    Qui fit la sauterelle ?

    Je veux dire, cette sauterelle_

    Celle qui a bondi hors de l’herbe,

    Celle qui mange du sucre au creux de ma main,

    Qui bouge ses mandibules de gauche à droite,

    plutôt que de haut en bas_

    Qui regarde autour d’elle avec ses énormes yeux compliqués.

    Maintenant, elle lève ses pâles avant-bras et se nettoie soigneusement la tête.

    Maintenant, elle déploie ses ailes et s’envole au loin.

    Je ne sais pas exactement ce qu’est une prière.

    Je sais comment centrer mon attention, comment tomber dans l’herbe, comment m’agenouiller dans l’herbe, comment flâner et être comblée, comment errer à travers les champs,

    ce que j’ai fait tout au long de la journée.

    Dis-moi ce que j’aurai dû faire d’autre ?

    Est-ce que tout ne finit pas par mourir, trop rapidement ?

    Dis-moi ce que tu entends faire de ton unique, sauvage, et précieuse vie.

    MARY OLIVER

    ‘The Summer Day’ ; House of light ; 1990

    Photo : www.jessicabuczek.com