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Le Sens de la Merveille
« Si j’avais la moindre influence sur la bonne fée qui est supposée présider au baptême de tous les enfants, je lui demanderais d’offrir à tout nouveau-né, à son entrée dans le monde, un sens de l’émerveillement si indestructible qu’il persisterait tout au long de sa vie, tel un antidote infaillible contre l’ennui et les désenchantements des dernières années, les préoccupations stériles face à des choses factices, l’aliénation des sources de notre force. »
Rachel Carson : Le Sens de la Merveille
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Le Grillon de l’Automne
« Je marche dans la forêt, la nuit ne me fait plus peur.
Je reviens à la table, je suis ici chez moi, je suis partout chez moi.
Je n’ai plus peur de la nuit, je n’ai plus peur du rien.
Je n’ai plus peur de l’été, de l’automne ni de l’hiver, je n’ai plus peur du temps qui passe et je n’ai plus peur de perdre mon temps.
Je suis le chemin.
Je me fiche de savoir si je parviendrai à « me réaliser », je me moque de ce que deviendra le monde, je ne sais qu’une chose :
Je marche dans la forêt, c’est ce que je fois faire ;
Je marche vers la montagne, c’est ce que je dois faire ;
Je tiens la main du vent, c’est ce que je dois faire ; je respire et j’avance, c’est ce que je dois faire ;
Je salue la beauté, c’est ce que je dois faire. »
Lionel Seppoloni : Le grillon de l’automne
Photographie : www.jessicabuczek.com
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Rondeur des Jours
« Il peut y avoir toute une forêt dans un aboiement de renard. Je chante le balancement des arbres ; le grondement des sapins, dans les couloirs de la montagne ; les vastes plaines couvertes de forêts et qui, en haut de la colline, ressemblent à la mer, mais qui s’ouvrent quand on descend avec leurs étranges chemins d’or vert, leur silence, la fuite des belettes, l’enlacement des lierres autour des chênes, l’amour qui lance les oiseaux à travers les feuilles comme des palets multicolores ; les plages de sable où les chevaux sauvages galopent dans un éclaboussement de poussière et d’eau, la pluie qui pousse sur les pays, l’ombre des nuages, les migrations d’oiseaux, les canards qui s’abattent sur les marais, les hirondelles qui tournent au-dessus du village, puis tombent comme de la grêle, et les voilà dans les écuries à voler sous le ventre des chevaux ; les flottes de poissons qui descendent les rivières et les fleuves, la respiration de la mer, la nuit tout ensemencée d’étoiles et qui veut cent milliards de siècles pour germer.
Je chante le rythme mouvant et le désordre. »
Jean Giono : Rondeur des Jours ; 1943
Photographie : www.jessicabuczek.com
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Les Vertiges de la Forêt
« Peut-être n’ai-je ressenti cette plénitude qu’une fraction de seconde, le temps d’un hululement ou d’une exhalaison d’aiguilles parfumées. Ce sentiment d’appartenance à la profondeur du monde reste comme une ancre, un bois sacré enfoui en moi auquel, à chaque séjour en forêt, j’aspire à revenir. »
Rémi Caritey : Les Vertiges de la Forêt (2011)
Photographie : www.jessicabuczek.com